Un mois après avoir racheté un nouveau Bullitt, un soir je reçois un message privé de camarades du forum Vélotaf m’invitant à aller jeter un œil à une petite annonce suspecte pour un Bullitt…
Les biporteurs, en particulier les Bullitt, sont aussi rares que recherchés en occasion vu leur prix élevé en neuf. Sur ce forum, nombre de gens sont à l’affut et signalent les annonces pour ceux qui pourraient être intéressés.
Ce mercredi après-midi là, c’est un Bullitt rouge et noir qui est listé sur un site bien connu de petites-annonces qui intrigue car cette couleur n’est pas au catalogue, parmi d’autres détails inhabituels, et un prix anormalement bas, donc on se demande si ce ne serait pas mon Bullitt volé.
Il ne me faut que deux minutes pour identifier mon bien sur les photos de l’annonce, il a changé :
- L’orange vif a laissé la place à un rouge Ferrari
- Plus d’éclairage ni de garde-boue
- Des pneus tout-chemin
- Une selle et des poignées de guidon différentes
- Panneaux latéraux de caisse et bâche manquants (le texte de l’annonce précise qu’il peut fournir les panneaux en option)
Mais certaines modifications de ma part sont toujours là et ôtent tout doute :
- Moyeu-dynamo SON
- Disque de frein avant Shimano XT 203 mm
- Potence de guidon très courte (40 mm)
- Cale-pied de VTT
- Petits crochets sur le panneau relevé à l’avant du plateau
Le lendemain matin, je file au commissariat déposer un complément de plainte avec toutes les informations, hélas l’agent m’explique que la localité de la petite-annonce, en Seine-et-Marne à soixante kilomètres de Paris, est hors de leur juridiction et que faire parvenir le dossier au service compétent risque d’être trop long, ils m’invitent à me débrouiller.
J’ai également la bonne idée de contacter le vendeur pour lui proposer un rendez-vous le dimanche suivant, histoire de gagner du temps. Il accepte mais refuse de me recevoir chez lui, « craignant les arnaques sur internet » !
Tandis que cette histoire devient le feuilleton pour les camarades du forum que je tiens informés, Franck dont j’ai déjà parlé, m’apprend qu’il a un cousin policier et qu’il va lui demander de l’aide. Environ vingt-quatre heures après j’ai le téléphone de la gendarmerie compétente, que j’appelle illico. Le gendarme que j’ai au téléphone est très réactif et me donne son email pour que je lui envoie tout le dossier.
Le premier rendez-vous avec le vendeur est reporté au mercredi suivant à 17h pour cause de repas de famille, arrive enfin le jour tant attendu des retrouvailles : j’ai rendez-vous une heure avant avec le gendarme pour remplir les formalités nécessaires, puis il m’explique que je vais aller seul au rendez-vous qui a lieu dans la rue devant le domicile du vendeur, que les gendarmes me suivront en voiture et attendront dans la rue voisine, puis une fois le vélo formellement identifié, je dois leur envoyer un SMS pour qu’ils intervienent.
Ne connaissant pas le chemin, je fais en fait un détour qui me retarde, et les gendarmes arrivés avant moi, sans nouvelle de ma part, décident de faire un premier passage dans la rue du vendeur, qu’ils voient au bord du chemin avec le Bullitt. Lorsque j’arrive quelques instants après, ils ont déjà retourné le vélo et relèvent le numéro de série du cadre, qui correspond bien entendu.
Le vendeur ne pose pas de problème, explique qu’il a acheté ce vélo 600 € sans selle ni poignées et mal repeint en noir, sans se douter qu’il pouvait être volé (sic !) et qu’il a fait des frais : quelques composants bas de gamme de grande-surface et surtout peinture chez un carrossier. Je lui demande s’il a les autres équipements manquants, il répond affirmativement et va les chercher, accompagné par un gendarme qui de toute façon devait perquisitionner chez lui. Finalement il ne manque que la bâche, les poignées de guidon ergonomiques et la selle d’origine, et le circuit électrique d’éclairage dont certains câbles ont été sectionnés.
Le vélo est mis sous séquestre à la gendarmerie, le temps que le procureur accorde la restitution, et le vendeur est convoqué le lendemain à la gendarmerie, pour se voir poursuivi pour recel.
Une semaine après, tout est bien qui finit bien : je récupère mon vélo et me retrouve avec deux Bullitt au parking !
Épilogue : un an après, le receleur, sans emploi, a été condamné à des jours de travaux d’intérêt général, et quelques temps après j’ai revendu ce premier Bullitt Clockwork rebaptisé Stendhal à un kiné qui compte transporter sa table de massage dedans.
Et puis encore un grand merci aux potes du forum Vélotaf sans qui tout ça ne serait pas arrivé. Pour reprendre la fameuse formule :
Les forums, on les aime aussi pour ça !