En ce moment je lis à mon fils un roman truculent et facétieux, aussi anarchiste qu’anticlérical et profondément jouisseur, que j’ai adoré dans mon adolescence, que je tiens de mon père qui l’a lui-même lu vers cet âge puisque l’exemplaire familial date de 1963 :
Les copains de Jules Romain, paru en 1913.
L’automobile était alors un truc rare et lent, les moyens de locomotion qui s’offraient à nos héros étaient la marche, le train et le vélo. Ce dernier tient une place essentielle, objet de libération, de plaisir et de preuve d’amitié.
En voici un extrait, au début du chapitre III : Deux copains
« Le soir de ce même jour, à neuf heures, deux bicyclettes sortaient de Nevers. Bénin et Broudier roulaient coude à coude. Comme il y avait clair de lune, deux ombres très longues, très minces, précédaient les machine, telles que les deux oreilles du même âne.
– Sens-tu cette petite brise ? disait Bénin.
– Si je la sens ! répondait Broudier. Ça me traverse les cheveux, tout doucement, comme un peigne aux dents espacées.
– Tu as quitté ta casquette ?
– Oui. On est mieux.
– C’est vrai. Il semble qu’on ait la tête sous un robinet d’air.
– Entends les grillons à gauche.
– Je ne les entends pas.
– Mais si ! Très haut dans l’oreille. Ça ressemble au bruit que fait parfois la solitude… un bruit de petite scie.
– Ah ! Oui ! Je l’ai ! Je devais déjà l’entendre tout à l’heure ! Quel drôle de bruit ! Si haut perché !
– Regarde nos ombres entrer dans cette clairière de lune, et puis plonger de la pointe dans l’ombre des arbres.
– Il y a quelque autre route là-bas. On voit une lanterne qui se déplace. C’est une voiture.
– Je ne crois pas qu’il y ait une autre route. C’est la nôtre qui tourne, et que tu vois après le tournant. La voiture va dans le même sens que nous. Nous la rattraperons tantôt.
– Mon vieux ! Je suis heureux ! Tout est admirable ! Et nous glissons à travers tout sur de souples et silencieuses machines. Je les aime, ces machines. Elles ne nous portent pas bêtement. Elles ne font que prolonger nos membres et qu’épanouir notre force. Le silence de leur marche ! Ce silence fidèle ! Ce silence qui respecte toute chose.
– Moi aussi je suis heureux. Je nous trouve puissants. Où sont nos limites ? On ne sait pas. Mais elles sont certainement très loin. Je n’ai peur d’aucun instant futur. Le pire événement, je passerais dessus, comme sur ce caillou. Mon pneu le boirait… à peine une petite secousse… Je n’ai jamais conçu, comme ce soir, la rotondité de la terre. Me comprends-tu ? La terre toute ronde, toute fraîche, et nous deux qui tournons autour par une route unie entre les arbres… Toute la terre comme un jardin la nuit où deux sages se promènent. Les autres choses finissent quelque part ; il le faut bien. Mais un globe n’a pas de fin. L’horizon devant toi est inépuisable. Sens-tu la rotondité de la terre ?
– Je regarde jusqu’où va la lueur rouge des lampions.
Je songe à un marchand de tableaux qui me confiait un jour : « Vingt pour cent sur du Rembrandt, ça ne m’intéresse pas. » Je songe à un critique théâtral qui disait une fois : « Mme Sarah Bernhardt, en jouant Hamlet, l’a grandi. » Je songe à un vicaire de Saint-Louis d’Antin qui déclarait en chaire : « C’est dans les tourments éternels que Renan expie les audaces sacrilèges de sa pensée. » Et il me semble soudain qu’il n’y a plus de négociants, plus de cabotins, plus de cafards. La terre est propre comme un chien baigné.
Mais le mouvement cessa de leur être insensible. Ils durent peser sur les pédales. Une montée toute droite faisait une lueur entre des arbres noirs.
Les feuilles remuaient ; mais les copains ne brisaient plus un souffle d’air. Le vent marchait avec eux dans le même sens, du même pas, prêt à les pousser doucement s’ils eussent ralenti.
La côte était ardue. Chaque pédale, tout à tour, semblait aussi résistante qu’une marche d’escalier. Elle cédait pourtant, et les roues avançaient par saccades. La machine faisait front d’un côté puis de l’autre, comme une chèvre qui lutte contre un chien.
La flamme bondissait dans les lampions ; la lueur rouge se démenait sur le sol entre les morceaux de clair de lune.
– Quand j’étais gosse, dit Bénin, le soir, avant de m’endormir, je me voyais traversant une forêt à cheval, mon meilleur ami à côté de moi.
La côte était gravie. Cent mètres de plaine, puis les machines partirent toutes seules.
Une descente, pareille à une fumée, se recourbait jusqu’au fond d’un val.
Les deux bicyclettes allaient d’une vitesse toujours accrue. Les deux roues d’avant sautaient ensemble. »
Ce livre a été adapté en film par Yves Robert avec une belle brochette d’acteurs, et c’est pour ce film que Georges Brassens a composé sa célèbre chanson Les copains d’abord.
Catégorie : Il n’y a pas que moi
Des tas d’autres gens utilisent des vélos-cargos
Ogata
Il existe depuis quelques mois un endroit qui me fascine à Paris : Ogata
Dans un hôtel particulier, ancien établissement de Weber Métaux, c’est une galerie d’art et artisanat, une boutique de thé et pâtisseries, un restaurant et un salon de thé, le tout complètement japonais et d’un rare raffinement jusqu’à la parfaite amabilité du personnel.
J’ai eu la chance de livrer des marchandises au resto le jour de son ouverture et j’y ai emmené (à Bullitt) ma compagne le lendemain après-midi, nous nous sommes retrouvés quasiment seuls dans le salon de thé intimiste où le maitre nous a fait passer un moment inoubliable hors du temps et de la vie parisienne.
Confinement oblige, ils ne font plus que de la vente à emporter (que nous livrons) et je n’ai pu que remarquer le logo qu’ils apposent sur leurs colis :
L’œil du graphiste aurait des choses à redire sur l’exécution de ce logo sans doute bricolé rapidement mais ne boudons pas notre petit plaisir avec ce petit palindrome à grand bi…
Diana Rigg
Souvenir d’une de mes actrices préférées, la charmante Emma Peel mais aussi la seule épouse de James Bond…
Jacques Gamblin a un ptit vélo dans la tête, et ça fait du bien !
On avait pu le voir piloter un biporteur Bullitt dans le film De toutes nos forces de Niels Tavernier
Éclatant discours du comédien Jacques Gamblin, intitulé Mon climat, lors du Parlement sensibles des écrivains, qui pose des mots sur nos maux et déclame la solution mieux que quiconque : « le vélo est l’avenir de l’Homme ! »
Merci !
https://www.youtube.com/watch?v=K9J8tR7MYDA
Le Rouge et le Verre
Ce caviste non seulement fournit de bons vins, propose une table d’hôte où l’on peut les déguster sans supplément, mais a le bon goût de livrer en Bullitt !
Bullitt vs caddie
Jérôme G. Demuth, le coursier vendeur de Bullitt démontre avec brio qu’il n’est pas besoin d’une auto pour faire ses courses à l’hypermarché, qu’il suffit d’un Bullitt et du sac qu’il fait fabriquer et vend…