Mollets

Parfois au taf, nous sommes mis à disposition d’un client et il arrive parfois qu’il y ait du battement dans les livraisons. Si le soleil est là, il serait dommage de ne pas le savourer !

Payé à pédaler

Quant on n’en peut plus après 25 ans à bosser chez soi derrière son ordi, il faut un changement radical.
L’autre jour ma compagne m’envoie cette vidéo aperçue sur son réseau social favori, en me disant : « tiens, tu devrais postuler ! »

Voilà des jeunes qui bossent dans une bonne ambiance de saine camaraderie, qui livrent à vélo-cargo, sous la forme d’une coopérative avec une rémunération honnête, mutuelle incluse, pour faire la nique à l’uberisation, pourquoi pas !

Alors certes je roule dans Paris depuis dix-huit ans, à vélo-cargo depuis huit ans, mais je n’ai aucune expérience professionnelle de livreur ou coursier, du coup autant jouer la carte de l’humour avec un CV original :

Quelques jours après j’ai été contacté par Vincent, le livreur-informaticien de l’équipe — tout le monde roule, quel que soit le poste — qui me propose un premier rendez-vous pour un test pratique.

Le jour dit il neigeote mais qu’à cela ne tienne, me voici mis à l’épreuve sur un Douze V2 mécanique à plateau de 80 cm de long.
• Première épreuve : charger et arrimer quelques marchandises sur le plateau dont un fut de bière, quelques cartons et des fleurs, livrer chaque marchandise après un tour du pâté de maison, dans le bureau d’un collègue jouant le destinataire, afin de voir comment je me débrouille et m’exprime auprès d’un client.
• Seconde épreuve : un jeu de piste dans Paris, une liste dans le désordre d’adresses à relier pour y relever une information, en se repérant avec un plan papier et en n’ayant qu’un téléphone de la boite permettant à Vincent d’observer mon orientation et mes choix de trajets sur le logiciel de tournée.

Tout s’est bien passé, à part que je suis tombé dans le petit piège fait exprès que le fut de bière n’était pas celui du bon de livraison et que j’aurais du le vérifier, cette première leçon étant qu’un bon coursier vérifie toujours préalablement ce qu’il doit livrer !

Quelques jours plus tard on me propose deux entretiens avec des collègues pour faire connaissance, sentir si je m’intégrerai bien à l’équipe et si je tiendrai le coup physiquement car ils sont un peu sceptiques devant ma cinquantaine approchante. En effet la dimension coopérative fait que je dois être entendu par plusieurs collaborateurs et que si un seul doute, la candidature ne sera pas retenue.
Les entrevues au troquet du coin sont cordiales, parmi mes interlocuteurs : Leeroyd le fondateur, un colosse de 26 ans du genre hyperactif passionnant qui parle vite et a 100 idées à la minute, Lucien le mécano, un jeune d’à peine 20 ans qui commence par m’annoncer que je suis plus vieux que son père, qu’il trouve cool mon largeot et nous découvrons rapidement que nous partageons pas mal de culture musicale…
Je suis rassurant quant à ma motivation et ma capacité à tenir le coup, d’autant que le test pratique a été concluant.

Finalement je démarre le mardi 5 mars cette nouvelle aventure professionnelle à un rythme intense d’entrée de jeu : pour me faire une idée de mes tournées, j’utilise Strava toute la journée ; le vendredi j’effectue 132 km !

Le job consiste donc à livrer des marchandises allant de la barquette de fraises au matelas, principalement de l’alimentaire, sur Paris et la petite couronne. J’apprends à charger mon cargo de manière logique et optimale selon l’ordre de tournée (les premières marchandises à livrer doivent être au-dessus des autres pour être accessibles, leur livraison libérant l’accès aux suivantes) et selon la fragilité (on ne va évidemment pas placer un carton lourd sur un bouquet de fleurs !).

Les livraisons sont ordonnées par des répartiteurs (dispatchs dans le jargon) dans l’appli dédiée Onfleet selon un tracé cohérent optimisant les trajets et la densité de points de livraison, prenant en compte les contraintes de chaque tâche : poids, encombrement, créneau horaire…

Les biporteurs sont en majorité à assistance électrique, on peut leur atteler une remorque qui double la capacité d’emport pour les tournées les plus grosses (~150 kg). On installe systématiquement une batterie pleine à chaque départ et on la remet à charger au retour. Les vélos sont à pédales automatiques SPD, il m’a donc fallu m’équiper de chaussures compatibles.

Les journées sont épuisantes mais plaisantes. Le midi un déjeuner roboratif est fourni par la boite, végétarien pour convenir à tous. Une réunion bimestrielle est organisée pour parler de l’activité, évoquer l’état de chacun… On sent une vraie bienveillance même si l’ambiance est plutôt masculine et l’équipe est plutôt fière de son travail, elle le mérite !

Voilà, j’aurai sans doute l’occasion de publier plein de futures anecdotes…