Là où il y a du plaisir, il n’y a pas de chaine

C’était mon intention dès le départ : avoir un Bullitt à transmission par courroie.

Le plus petit pignon pour courroie ayant 20 dents, pour conserver un développement identique à ma transmission précédente 44-16, il me fallait un plateau de 55 dents. L’outil de configuration sur le site Gates indique selon l’entre-axe pédalier / moyeu qu’il me faut une courroie de 111 dents.

Deux problèmes se posent : le cadre du Bullitt n’est pas prévu pour, et Rohloff refuse de fournir un pignon pour courroie aux possesseurs d’un cadre non certifié par Gates.

Le premier point se règle aisément — et irrémédiablement ! — à l’aide d’une scie : le Bullitt dispose de pattes arrières amovibles fixées au triangle arrière par trois boulons, il suffit de scier la jonction base/hauban entre deux boulons, et voilà. On peut alors écarter délicatement la base et le hauban pour glisser la courroie dans le triangle, puis re-solidariser base et hauban en vissant la plaque de patte arrière.

Pour le second point, des recherches sur internet m’ont appris que Phil Wood a fabriqué des pignons pour courroie CDC il y a quelques années, notamment pour moyeu Rohloff. Je les ai contactés et, coup de chance, il leur reste un petit reliquat de stock dont la référence que je souhaitais. Le seul défaut de ce composant haut de gamme est son prix très élevé auquel s’ajoutent des frais de douane.

Afin de permettre la tension de la courroie, ayant des pattes arrières pour dérailleur externe, le plus évident fut d’opter pour le boitier de pédalier excentrique. Cette solution a l’avantage de ne pas modifier la tension lors de la dépose de la roue arrière et d’assurer l’alignement axial de la roue arrière. Le boitier de pédalier excentrique adapté à mon cadre et le plus aisément commandable sur internet est l’Exzentriker de chez Trick Stuff, composant assez haut de gamme également mais qui provient d’Allemagne, donc pas de taxation douanière à prévoir.

Derniers composants à commander : le plateau CDC 55 dents, la courroie 111 dents, le snubber (poulie anti-saut de courroie) ainsi que l’outil pour dévisser les pignons des moyeux Rohloff.

composants transmission courroie

Le pignon Phil Wood se présente en deux pièces : une étoile filetée à visser sur le moyeu Rohloff, et le pignon à fixer sur l’étoile à l’aide de 6 vis.

Le démontage du pignon Rohloff d’origine a la réputation d’être un calvaire, en fait pas du tout si on fait comme dans cette vidéo :

Il m’a fallu raccourcir un peu les vis du pignon qui dépassaient et touchaient le moyeu, bloquant ainsi la roue libre.

phil Wood Rohloff courroie

phil Wood Rohloff courroie

Le montage du boitier de pédalier excentrique et du plateau ne pose pas de souci, mais afin de ne pas gêner la rotation du pédalier sur le boitier de pédalier excentrique, j’ai scié les fixations du petit plateau.

plateau courroieplateau courroie intérieur

Je peux enfin mettre en place la courroie et la roue arrière. J’ai tendu à la main la courroie un peu au pif car je n’avais pas d’outil pour contrôler la tension. Une mesure au pied à coulisse montre qu’il y a à peine un millimètre de décalage entre le plateau et le pignon.

pignon courroie Rohloff

Gates fournit une app iPhone pour mesurer la tension à l’aide du micro de l’appareil, selon la fréquence de vibration de la courroie exactement comme une corde de guitare ; pour un moyeu à vitesse la fréquence devrait être entre 35 et 50 Hz. Et bien là, l’app indique < 20 Hz, probablement la limite inférieure de son spectre d’analyse, et en tout état de cause inadéquat, et pourtant à l’essai : aucun bruit, aucune saute ou déraillement, impec !

J’ai tout de même ajouté le snubber, poulie derrière le pignon censée prévenir les sauts de courroie.

J’ai déjà fait plus de 40 km avec, y compris un aller-retour Gambetta > Porte de Versailles au salon des vignerons d’où j’ai rapporté 6 cartons de vin et un magnum, avec le diable, ce qui représente quelques 55 kg, sans aucun souci.

Quelques temps plus tard, lors d’un séminaire Rohloff, le représentant Gates à qui j’ai montré mon Bullitt a estimé que ma courroie était trop tendue. J’ai fini par acheter l’outil de mesure de tension afin d’être sûr de mon réglage, depuis tout roule !

Va-va-voom !

Comme devant une pinup, ce sont les mots qui me viennent à l’esprit face à ce qui vient de m’être livré !

cadre Bullitt brut 1cadre Bullitt brut 2 cadre Bullitt brut 4 cadre Bullitt brut 3 cadre Bullitt brut 6

Premières emplettes

Une de mes premières sorties, au salon des vignerons indépendants porte de Versailles

Retour jusqu’à Gambetta sans souci avec trois cartons de six bouteilles, une bouteilles offerte et un diable sur un trajet finissant par la côte du Père Lachaise, pas la plus raide de Paris mais un bon exercice, et bien entendu une bonne suée à l’arrivée en haut, mais quel plaisir !

retour du salon des vignerons porte de Versailles

Un tapis volant

Première sortie : descente tranquille et prudente jusqu’au bois de Vincennes et son « polygone cycliste » pour dompter le bestiau

Il se conduit comme un vélo normal, à la nuance près que sa longueur amplifie les corrections de trajectoire qui doivent être plus précises sous peine de louvoyer fortement.
Le décalage entre la roue avant loin devant et le cintre modifie également notre perception par rapport aux habitudes du vélo normal et on a tendance à tourner trop tôt ou trop serré dans les virages, il faut réapprendre à sentir la correspondance entre la rotation du guidon et son effet sur la trajectoire.
Néanmoins après une heure de balade à accélérer, freiner, relancer, zigzaguer, rouler droit, faire de grandes ou petites courbes, des manœuvres, je me sens à l’aise ; au bout de deux heures c’est comme si je l’avais pratiqué toute ma vie ! Depuis tout baigne…

L’amortisseur de direction procure une aide à la conduite bienvenue pour limiter le louvoiement et la perte de contrôle lors de cahots, au début je l’ai réglé assez fort, puis avec le temps j’ai diminué son effet, et au bout de plusieurs mois il était à son réglage minimal.

À vide, l’avant rebondit facilement sur les cahots et fait craindre une perte d’adhérence à l’avant, on sent que c’est quand même fait pour être chargé ! De fait le vélo est assez rigide, mais plus on le charge, plus il s’assouplit, et entre l’inertie due à la masse en mouvement et le centre de gravité bas, il donne la sensation pas désagréable d’être sur un tapis volant…

À noter un effet particulier du vélo-cargo avec amortissement après une longue période d’utilisation, lorsqu’on reprend un vélo normal, on n’arrive plus à tenir son guidon, comme si on avait perdu toute force dans les bras, on se retrouve complètement fébrile pendant une ou deux centaines de mètres avant que ça revienne.
J’ai fini par retirer l’amortisseur de direction et tout va pour le mieux, y compris lorsque je reprends un autre vélo.

bureau

It’s alive !

Le carton est ouvert, tout est là, bien rangé, attaché et protégé, le montage peut commencer…

le gros carton ouvert

En guise de mode d’emploi, trois vidéos pas-à-pas et loufoques avec Hans, le designer du Bullitt :

http://www.youtube.com/watch?v=x1MwkFy_Ftg

http://www.youtube.com/watch?v=kPMiVxOMHFw

http://www.youtube.com/watch?v=hAeeijR8HxY

Et voilà !

It's alive !
phare avant et moyeu dynamo
direction et antivol
garde-boue avec feu arrière

Il était une fois…

C’est l’histoire d’un type qui fait du vélo depuis tout petit, qui circule dans Paris depuis 2001, et qui avait dans un coin de sa tête une vieille envie de triporteur, comme ça, pour le plaisir, pour trimbaler tout et n’importe quoi, pour ne pas faire comme tout le monde, pour se prendre pour Darry Cowl, bref pour des raisons… peu raisonnables !

Quelques soirées de recherche assidue sur internet plus tard, je découvre le biporteur, qui ravit ma préférence sans le moindre doute.
En effet le triporteur a les désavantages du vélo sans les avantages car sa largeur l’empêche de se faufiler dans la circulation dense ou d’emprunter certaines pistes cyclables. Il est également lourd, lent et présente un certain risque de se renverser dans les virages pris pas assez lentement, du fait qu’il ne peut se pencher (à moins de soulever la roue extérieure et faire l’acrobate, ce qui n’est pas évident selon le modèle et son chargement).
Le biporteur, lui, n’est pas plus large qu’un vélo classique puisque c’est généralement son guidon qui est la partie la plus large, il est d’une masse raisonnable pas handicapante, il peut se pencher dans les virages comme n’importe quel autre vélo et conserve une capacité de chargement appréciable.

Arriva le coup de foudre : le modèle alors favori des coursiers, plus léger que ses concurrents grâce à son cadre en aluminium, doté d’une plate-forme nue équipable à l’envi, avec un design et une position de conduite plus sportive que « bon père de famille », proposé dans plein de couleurs sympathiques, conçu à Copenhague la capitale mondiale du bon vivre à vélo, nommé d’après un film mythique, il s’agit du Bullitt.

dessin technique Bullitt